Appel conjoint de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la violence contre les femmes et d’autres mécanismes internationaux et régionaux sur les droits des femmes pour l’éradication de la violence sexiste contre les femmes, avec un focus sur le harcèlement sexuel et le viol, et pour la mise à jour de plans d’action nationaux, conformément à la nouvelle recommandation générale n° 35 sur la violence sexiste à l’égard des femmes.

À la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la Rapporteuse spéciale de Nations Unités sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, le Comité sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), le Groupe de travail sur la question de la discrimination contre les femmes dans la législation et dans la pratique, la Rapporteuse spéciale sur les Droits des Femmes en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, la Rapporteuse spéciale de la Commission interaméricaine sur la violence à l’égard des femmes, le Comité d’experts du mécanisme de suivi de l’application de la Convention de Belém do Para (MESECVI) et le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique du Conseil de l’Europe (GREVIO)*, en tant que mécanismes d’experts internationaux et régionaux clés pour les droits des femmes, appellent conjointement à l’intensification des efforts pour la mise en œuvre des instruments internationaux et régionaux sur les violences sexistes envers les femmes par le biais de plans d’action actualisés et renforcés, conformément à la nouvelle recommandation générale n ° 35 du CEDAW sur la violence sexiste à l’égard des femmes.La violence sexiste, y compris toutes les formes de violence sexuelle contre les femmes, est interdite par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, tels que la Déclaration sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes (DEVAW), la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et les traités régionaux, tels que la Convention interaméricaine sur la prévention, la sanction et l’élimination de la violence contre la femme (Convention de Belém do para), le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et  des peuple relatifs aux droit des femmes en Afrique (Protocole de Maputo), et la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. 

La violence sexiste contre les femmes et les filles, y compris toutes les formes de violence sexuelle, le harcèlement sexuel et le viol, constitue une pandémie mondiale et une violation majeure des droits de l’homme. On estime qu’une femme sur trois a été victime de violence sexuelle au cours de sa vie, tandis que deux femmes sur  trois sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part d’un partenaire intime.

En dépit des avancées en terme de sensibilisation collective sur l’interdiction de toute forme de violence sexiste contre les femmes, y compris les violences sexuelles, le harcèlement sexuel et le viol, les femmes du monde entier continuent d’être agressées sexuellement, violées, menacées, ou touchées de façon inappropriée, dans au moins une ou plusieurs instances dans leur vie, et la plupart de ces cas attirent rarement l’attention du public, ni ne sont traduits en justice. De nombreuses victimes font face à une re-victimisation qui est le résultat d’une culture visant à blâmer la victime, répandue à travers les médias et la société, qui a tendance à stigmatiser les victimes et dissuadent nombre d’entre elles de dénoncer le crime subi.

À cet égard, les mécanismes signataires de cet appel saluent l’adoption, en juillet 2017, par le Comité CEDAW, de la recommandation générale n° 35 sur la violence sexiste contre les femmes, portant actualisation de la recommandation générale no 19.  

La recommandation générale n° 35 sur les violences sexistes confirme l’interdiction des violences sexistes envers les femmes comme une norme reconnue du droit international coutumier et fournit une feuille de route mondiale complète qui doit être mise en œuvre au niveau national.

En conséquence, les États ont le devoir d’harmoniser et d’appliquer leur législation nationale conformément aux orientations concrètes fournies par la recommandation générale n° 35 et d’autres instruments internationaux et régionaux pertinents.

À cet égard, les mécanismes signataires saluent également l’adoption, en mai 2017, par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, des lignes directrices pour la lutte contre la violence sexuelle et ses conséquences en Afrique. Les lignes directrices constituent des outils pratiques de lutte contre la violence sexiste, y compris la violence sexuelle, au niveau régional, et compète, de manière efficace et opportune, la recommandation générale n° 35 du CEDAW.

Les experts appellent donc les Etats à adopter et appliquer ces normes au niveau national par le biais de l’adoption d’une nouvelle génération de plans d’action nationaux sur l’élimination de violence sexiste, y compris toutes les formes de violences sexuelles, basée sur la recommandation générale n°35 du CEDAW et d’autres instruments régionaux pertinents.  

Tous les États, les parties prenantes et les médias devraient travailler ensemble à lutter contre la culture du harcèlement sexuel et du viol.

Le travail de surveillance aux niveaux mondiale et régionale démontre une impunité généralisée concernant les violences sexuelles et les viols. Trop souvent, les législations nationales ne sont pas conformes aux normes internationales sur l’interdiction du viol et de la compréhension de la violence sexuelle comme une violation du droit à l’intégrité physique et psychologique. Les cas de viol ont des taux des plus élevés et le taux d’acquittement est également très élevé. Dans le même temps, les systèmes de prévention et de protection sont largement insuffisants, voire inexistants.  Le résultat est la dissimulation et le sous-signalement des cas de viols et d’autres formes de violence sexuelle contre les femmes, ainsi que la stigmatisation et re-victimisation des victimes.  

Les experts exhortent les États, la société civile et autres parties prenantes à intensifier considérablement et sans délais leurs actions pour prévenir et éliminer le viol et le harcèlement sexuel et la violence contre les femmes et les filles partout dans le monde. Tous les acteurs doivent garantir la protection de toutes les femmes et filles contre le viol et toutes formes de violence sexuelles, au moyen des mesures suivantes:

·        Veiller à ce que l’absence de consentement constitue l’élément central de la définition des actes incriminés de violences sexuelles (viol, viol conjugal, viol commis par une connaissance, toutes les formes de harcèlement sexuel) et prendre en compte le rapport de force entre l’auteur du crime et la victime ;

·        Assurer la collecte de données de toutes les formes de violence sexiste par le bureau national des statistiques, l’institution chargée de la surveillance des meurtres sexistes ou de l’observatoire sur les violences sexistes envers les femmes ; 

·        Reconnaitre que dans les pays ravagés par la guerre et les conflits, la violence sexuelle est utilisée comme une arme de guerre et prendre les mesures appropriée pour protéger les femmes contre la violence ;

·        Modifier les législations et éradiquer les coutumes et pratiques qui tolèrent le viol, la violence sexuelle et la discrimination contre les femmes ;

·        Assurer une protection efficace contre le viol et l’agression sexuelle et garantir une justice soucieux de l’égalité des sexes pour les victimes de viols ;

·        Fournir des foyers d’accueil adéquats et centres de crise, ordonnances de protection et services pour les victimes de viol et de toutes les formes de violences sexuelles, y compris des certificats médicaux gratuits et un accès aux services de soins de sexualité et de procréation, de contraception et d’autres traitements et d’avortement ;

·        Intégrer des formations soucieuses de l’égalité des sexes auprès des agents de police et de justice et autres agents publics dans le but d’augmenter le signalement de viols et de toutes les formes de violence sexiste et répondre à la stigmatisation et la re-victimisation des rescapés ;

·        Veiller à ce que tous les cas de violence contre les femmes soit dûment et efficacement l’objet d’enquêtes et que les auteurs soient poursuivis et ne fassent l’objet d’aucune impunité.

(*) Le groupe des mécanismes de l’Organisation des Nations Unies et régionaux relatifs aux droits fondamentaux des femmes : Mme Dubravka Šimonovic, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences,; le Comité des Nations Unités pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW); le Groupe de travail des Nations Unités chargé de la question de la discrimination à l’égard des femmes, dans la législation et dans la pratique; le Groupe d’experts sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO); Mme Lucy Asuagbor, Rapporteuse spéciale sur les droits de la femme en Afrique de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples ;  Mme. Margarette May Macaulay, Commissaire et Rapporteuse spéciale de la Commission interaméricaine sur la violence contre les femmes, et le Comité d’expert sur le mécanisme de suivi de l’application de la convention de Belém do Para (MESECVI).