Depuis 2016, Amel Association International a créé une relation partenariale solide avec la jeune association Buzuruna Juzuruna (BJ).

Cette dernière, active depuis 2015 et enregistrée en 2018, est une association libanaise créée par un réseau d’agriculteurs, ingénieurs agronomes, activistes ou membres de la société civile libanaise et internationale. Son objectif principal est de « Faire la promotion de l’agriculture durable au Liban par la transmission des savoirs et des moyens de production. » Depuis 2015, le réseau Buzuruna Juzuruna développe différents projets agricoles visant « à promouvoir les techniques et savoir-faire de l’agriculture durable au Liban, par des formations courte ou longue au sein de la ferme-école, des sessions de sensibilisations, l’échange de pratique, etc ». L’association s’est dotée au fil des années d’une importante collection de semences paysannes du Proche-Orient (plus de 180 variétés de légumes, fleurs et céréales) issues de la région, de réseaux semenciers et de banques de semences européennes. Depuis 2016, la ferme-école installée à Saadnayel a pour mission de multiplier ces semences, les sélectionner, les réadapter au climat local, de tester leur résistance et leur qualité. La ferme de Saadnayel sert de laboratoire agricole, pour expérimenter et diffuser aussi bien des variétés locales que des techniques et savoirs faires plus durables. L’équipe diffuse ensuite ces semences (via la distribution, l’échange ou la vente) pour qu’elles puissent être cultivées et réappropriées par ceux qui en ont le plus besoin, agriculteurs libanais, potagers familiaux dans les camps de réfugiés, jardins urbains, etc.

Au cours de ces dernières années, Amel jouera un rôle important dans la structuration et le renforcement des capacités de l’association BJ. Ainsi, en plus d’apporter un soutien technique et administratif et des sessions de formation à la gestion comptable, plusieurs projets successifs (entre octobre 2017 et 2019) sont mis en œuvre en étroit partenariat entre Amel et BJ.

Ces projets consistent en des formations sur différents thèmes liés à l’agriculture durable pour différents publics : construction de jardins familiaux pour des familles vulnérables vivant dans les camps de réfugiés ou les villages alentours, étudiants en agronomie ou jeunes agriculteurs libanais, « classes vertes » avec des enfants vulnérables, formation de formateurs en animation agricole, etc. Elles sont mises en œuvres avec de nombreux partenaires (Amel, Orienthelfer, BMZ, Soils Permaculture, CosV, Zaher, Terre & Humanisme, WFP, Chambre d’Agriculture de Zahlé…) et professeurs invités, sont flexibles et adaptées aux niveaux et à l’origine sociale et géographique des différents participants.

Le dernier projet en date, se déroula entre juin et novembre 2018 grâce au soutien de la coopération allemande (BMZ) et de l’ONG allemande OrientHelfer. Elle a inclus une formation de formateurs pour l’équipe de la ferme, deux cycles de formations pour de jeunes syriens et libanais vulnérables, mais surtout une avancée majeure pour la jeune association : la finalisation de ses propres curriculums de formation.

Pendant les six mois du projet, l’équipe de BJ, aidée par une dizaine de spécialistes extérieurs, s’est attelée à la rédaction de ce qui constitue une ressource très rare, voire inexistante, dans le monde arabe : des livrets en arabe accessibles à tous, ludiques et pédagogiques, sur les techniques de l’agriculture « intégrée ».

Fin 2018, 13 livrets pédagogiques ont donc été créés par l’association, sur les thèmes suivants :

  1. Principes généraux de l’agriculture durable ;
  2. Arboriculture (taille, greffe, bouturage) ;
  3. Sélection et production de semences ;
  4. Fertilisation, compostage et recyclage ;
  5. Gestion des maladies et ravageurs ;
  6. Apiculture ;
  7. Culture et utilisation des plantes aromatiques ;
  8. Transformation alimentaire et conserverie ;
  9. Culture céréalières ;
  10. Cosmétiques et savons naturels ;
  11. Boulangerie ;
  12. Energies et électricité renouvelable ;
  13. Eco-Construction.

Ces contenus, partagés ici sur le site d’Amel Association International, sont libres de droits et amenés à être diffusés le plus largement possible, du Moyen-Orient au Maghreb, afin de servir de support de formation pour des animateurs en agriculture durable, et de guide pour des exploitations souhaitant se convertir à des modèles agricoles alternatifs.

La crise syrienne, mais aussi les nombreuses guerres qui déchirent le Moyen-Orient depuis plusieurs décennies, ont causés d’immenses dommages au patrimoine agricole de la région. Depuis 2011 en Syrie, les infrastructures et le matériel agricoles, les fermes, les citernes ont régulièrement été la cible directe des différents belligérants du conflit, afin d’affamer et donc d’asservir les populations civiles privées de moyen de production alimentaire. Au Liban, la crise syrienne a pour conséquence de tendre le marché de l’accès à la terre, de fermer la majeure partie des routes commerciales offrant traditionnellement des débouchés aux produits agricoles (les routes vers le pays du Golfe d’une part, la Turquie puis l’Europe d’autre part, passait par le territoire syrien). De plus, les politiques de reconstructions post-conflits tendent à imposer un nombre très restreint de semences modifiées (« hybrides » ou « OGM »), afin de concentrer la production aux mains de quelques entreprises et de faciliter la vente de pesticides et fertilisants. A ce titre, l’exemple de l’Irak post-Guerre du golfe est révélateur, lorsque le plan « Bremer » mis en place sous égide américaine en 2003, restreint à seulement 22 variétés de blé « hybrides » les semences autorisées à la production et à la vente – en majorité des semences produites par les Etats-Unis – interdisant de fait les centaines d’autres variétés qui étaient cultivées depuis la nuit des temps. Enfin, l’utilisation massives de pesticides et fertilisants chimiques dans la région ; les conséquences du changement climatique (sécheresses, tempêtes et pluies violentes, etc.) sont autant de facteurs qui menacent un patrimoine agricole millénaire de disparition complète.

La diversité semencière et l’autonomie paysanne sont donc particulièrement menacées dans cette région, qui constituait, depuis l’ère mésopotamienne, le grenier du monde. Il est donc d’une importance capitale de développer des initiatives tendant à protéger ce patrimoine et à faire évoluer les pratiques vers une agriculture plus durable.