Dans un monde de plus en plus frappé par l’intolérance, le manque de respect envers les autres et le rejet flagrant des différentes façons de vivre et de penser, former les jeunes à la diversité et à l’acceptation est, aujourd’hui plus que jamais, devenu d’une importance capitale. Amel Association International était donc ravie de codiriger le séminaire Erasmus+ d’une semaine « Respect de la diversité: une affaire de tous », en partenariat avec l’ONG tchèque Tom Dumánci, qui travaille activement avec les jeunes. Erasmus +, financé par la Commission européenne, organise régulièrement des projets éducatifs pour fournir aux jeunes de l’UE ou d’ailleurs des opportunités pour voyager, faire du bénévolat, étudier ou suivre une formation éducative de courte durée à l’étranger. Les projets Euro-Med (qui établissent un pont entre l’Europe continentale et les pays méditerranéens du Levant) sont particulièrement intéressants, compte tenu des dialogues et des échanges interculturels qui se produisent naturellement lors de ces rencontres.
Le séminaire, qui s’est tenu au cœur de Beyrouth, a réuni 29 participants âgés de 20 à 35 ans et originaires de 9 pays différents: Liban, Syrie, Jordanie, Maroc, Turquie, Lettonie, Estonie, République tchèque et Pologne. La plupart d’entre eux travaillent déjà avec des jeunes sous une forme ou une autre dans leur propre pays. Ils sont notamment volontaires dans des ONG nationales ou employés à temps plein dans divers secteurs, notamment en élaboration des politiques, dans l’éducation ou dans le secteur privé. Ieva Grundsteine, de Lettonie, a animé la session d’apprentissage non-formel en s’appuyant sur son expérience de près de 20 ans dans la formation de jeunes dans toute l’Europe.
Pour Amel en particulier, l’autonomisation des jeunes constitue un pilier essentiel de son programme de développement au Liban et est d’ailleurs appliquée dans 11 de ses 24 centres, notamment à Haret Hreik, Ain el Remmaneh et Chiyah (Beyrouth) ainsi que Arsal et Mashghara (Beqaa nord et ouest). En 2018, Amel a organisé une série d’activités basées sur des initiatives prises par de jeunes volontaires, telles que des programmes d’échanges, des salon d’ONG, des activités sur le respect de l’environnement, des campagnes pour les droits de l’homme et des séjours de volontariat avec d’autres ONG.
Au cours des trois premiers jours du séminaire, les participants ont pris part à une série de jeux visant à briser la glace et à créer un climat de confiance entre eux. Ils s’agissait d’apprendre à mieux se connaître, à connaître leur pays respectif et à échanger leurs opinions et réflexions sur la diversité. Une de ces activités, le premier jour, a consisté à regrouper tous les participants dans des «familles» – Dbouk, Barakat, Itani et Hammoud (tous des noms libanais) – pour s’aventurer à Beyrouth et échanger avec les habitants. Pour plusieurs participants européens, il s’agissait de leur première visite dans la région MENA. La rencontre avec des personnes d’horizons et de religions diverses a permis de briser leurs stéréotypes et leurs idées reçues concernant le Moyen-Orient. Le troisième jour, les participants ont de nouveau été regroupés pour participer à une activité d’apprentissage interculturelle autodirigée, dans le but d’explorer des lieux spécifiques à Beyrouth tout en portant une attention particulière aux couches culturelles sous-jacentes des rues de la capitale.
Jan Techner, étudiant polonais âgé de 20 ans, a déclaré que c’était l’un des aspects les plus mémorables du séminaire. «Nous avons rencontré Hisham*, qui nous a parlé de la guerre civile au Liban et de l’histoire de Beyrouth.» Hisham (l’un des participants) vient de Syrie et réside au Liban depuis le début de la guerre dans son pays. Mouna Boujbir, analyste politique et stratégique au Maroc, âgée de 28 ans, a déclaré qu’elle avait adoré le centre-ville de Beyrouth, où se côtoient la mosquée Mohammad Al-Amin et la cathédrale Saint-George. “Cela reflète la coexistence que nous devons voir dans tous les pays”, a-t-elle noté.
Hassan*, 31 ans et étudiant en radio et audiovisuel à l’Université internationale du Liban est réfugié ici au Liban après avoir fui sa ville natale, Damas. Il a souligné que l’un des aspects les plus intéressant de cette formation était la manière intelligente de regrouper les gens: « Tout au long de la semaine, que ce soit par «familles» à Beyrouth, par nationalités pour faire des présentations sur les pays respectifs, etc. ». Il ajoute, « J’ai adoré cette stratégie. Le premier jour, vous appartenez à votre famille, le deuxième jour, vous appartenez à un autre groupe pour une autre raison, mais vous revenez ensuite à votre groupe familial pour une autre tâche… Il s’agit d’appliquer la vraie vie dans de petites activités. Vous pouvez sortir et appartenir à d’autres groupes, puis partager ce que vous avez appris avec votre famille. »
Le quatrième jour, les participants se sont rendus à Khiam, dans le sud du Liban, pour rencontrer des réfugiés syriens vivant dans des campements informels (ITS) et en apprendre davantage sur le travail d’Amel sur le terrain dans cette région. Le groupe Erasmus+ est arrivé au camp de Sarada au moment même où les enfants terminaient leurs cours de soutien scolaire avec l’unité mobile d’enseignement d’Amel (MEU), communément appelée « Le bus Amel ». L’unité médicale mobile d’Amel était également présente dans le camp et fournissait des soins de santé primaires et des services non-urgents. Le bus fait des arrêts dans chaque campements informels des alentours de Khiam une fois par mois. Après avoir joué avec les enfants du camp, les participants ont été invités dans des tentes et se sont vus offrir un café traditionnel, témoignant ainsi de la générosité et de l’hospitalité qui font la renommée du monde arabe.
Pour de nombreux participants, il s’agissait de leur première visite dans un camp de réfugiés et, sans surprise, la plupart d’entre eux ont cité cette expérience comme la plus mémorable et la plus révélatrice de ce séminaire. « Visiter les STI a été une expérience qui a changé ma vie » a déclaré Jan. « Les gens de mon pays ne s’intéressent pas particulièrement aux problèmes des réfugiés. J’ai l’intention de partager ce que j’ai vu en Pologne, en particulier parmi les groupes les plus fermés d’esprit ». Lada Matyasova, 30 ans, de République Tchèque, a déclaré « Voir la force des gens était vraiment inspirant. Cela m’a fait réfléchir à ce qu’est le bonheur ». Lada transmettra dans son pays tout ce qu’elle a appris à Beyrouth et sensibilisera les gens sur le sort des réfugiés en organisant des ateliers d’apprentissage par l’expérience. Les participants ont également visité le centre de développement Amiam Khiam, où ils ont appris davantage sur les services d’Amel en matière de soins de santé de qualité et de soutien scolaire, ainsi que sur son engagement à lutter contre les violences sexistes. Pendant le déjeuner, les participants libanais, syriens et jordaniens ont dansé le « dabke », présentant ainsi à leurs nouveaux amis la danse folklorique traditionnelle du Levant.
L’après-midi a été un autre moment fort de la semaine au centre Haret Hreik d’Amel, où les participants à Erasmus + ont rencontré et discuté avec les jeunes bénéficiaires du centre, ainsi que des étudiants de l’Université américaine de Beyrouth (AUB). L’une des activités les plus révélatrices a peut-être été la « Bibliothèque humaine », où les jeunes du centre ont individuellement expliqué leur vie à de petits groupes dans différentes salles. Les participants ont eu l’occasion de choisir l’histoire qu’ils voulaient écouter dans un système de rotation. Un jeune réfugié irakien a par exemple parlé de son expérience d’immigration au Liban après avoir fui les persécutions dans son pays. Une autre femme syrienne a raconté son expérience dévastatrice lorsqu’elle a perdu son grand-père, qui était également la principale source de soutien financier pour elle et sa famille.
De retour aux Hamra Urban Gardens, où se déroulaient l’essentiel de la formation, les participants ont également partagé leurs propres expériences en matière de promotion et de développement du respect de la diversité. Bassel Richie, un libanais de 31 ans qui travaille maintenant avec Amel, a parlé de son mouvement « Muslims4Lent », devenu viral en 2015, et qui a encouragé les musulmans du monde entier à se solidariser avec les chrétiens en donnant quelque chose en faveur du carême. Gunita Kulikovksy, 28 ans, de Lettonie, a introduit le concept de journalisme immersif à travers la réalité virtuelle et les films à 360° qui placent le spectateur dans une situation particulière (cellule de détention ou camp de réfugiés, par exemple) et aide les spectateurs à accroître leur empathie. Ieva, la formatrice, a décrit son implication dans la réalisation du jeu de simulation « Passages » du Haut Commissariat aux Réfugiés au début de l’année dernière, dans laquelle les participants ont été confrontés à l’expérience de certains réfugiés afin de prendre conscience du processus de migration éprouvé par des millions de personnes à travers le monde et le Moyen-Orient.
Le séminaire s’est terminé par un discours du président fondateur d’Amel, le docteur Kamel Mohanna, qui a exprimé la vision d’Amel et décrit les cinq piliers qui sont au cœur de la mission de l’organisation, qui vise à garantir la dignité humaine pour tous:
– Toute action humanitaire qui ne travaille pas avec les personnes vulnérables n’est pas une cause humanitaire
– Il ne devrait pas y avoir deux poids, deux mesures entre le Sud et le Nord en matière d’action humanitaire
– Il devrait y avoir une répartition équitable de la richesse dans le monde
– Nous devons construire des États fondés sur le bien-être et la justice pour tous
– Nous devons défendre la cause juste du peuple, avant tout la cause des Palestiniens.
Le Dr Mohanna a ensuite dédicacé son livre intitulé « L’épopée de choix difficiles » aux participants, particulièrement impressionnés par la diversité des programmes d’Amel et par son esprit de solidarité avec les groupes les plus vulnérables, quels que soient leurs origines, leur appartenances politiques ou leur croyances religieuses. M. Mohanna a également exposé la devise d’Amel, « pensée positive et optimisme permanent », destinée à lutter contre certaines des situations humanitaires les plus critiques du monde arabe.
Un ressortissant turc de 35 ans, Ugurcan Bal, a souligné que les organisations de la société civile telles qu’Amel sont extrêmement importantes. « Si Amel et d’autres associations similaires cessent de faire leur travail, nous ne pourrons pas voir les gens se débrouiller ou être heureux », at-il ajouté. L’importance accordée par Amel à la solidarité l’avait également beaucoup influencé. « Je vois qu’Amel ne parle pas de charité ni de donner de l’argent aux gens, mais de l’humanisme, ce qui m’a beaucoup affecté ». De même, Betul Tuhran, une de ses compatriote turque de 32 ans, s’est déclarée très impressionnée par la vision d’Amel et a vraiment apprécié son approche positive du travail humanitaire.
Rand Abdallah, 25 ans, qui travaille pour le projet jordanien « J’ose le développement durable », a déclaré qu’elle utilisera cette expérience pour suggérer une semaine sur la diversité à son organisation. « Éduquer les jeunes est important, en particulier dans les pays arabes, car sans éducation, les opportunités sont rares », a-t-elle ajouté. Valters Liberts, étudiant en physique âgé de 21 ans, est bénévole auprès de personnes âgées en Lettonie. « Dans mon pays, le manque de respect pour la diversité est un gros problème, en particulier à l’égard des personnes âgées. Cette semaine m’a donné un élan émotionnel pour continuer mon travail à la maison ».
« Ce séminaire a été une expérience extraordinaire », a déclaré Agne Junolainen (33 ans), professeur de physique-chimie en Estonie. « Le programme a été très diversifié et polyvalent. Ce fut une semaine de découverte de soi et d’apprentissage de nouvelles choses sur la diversité, le respect et les groupes minoritaires, tout en déconstruisant les préjugés que j’avais ». Elle a ajouté « Je souhaite utiliser cette formation pour changer le programme des leçons d’éthique que nous avons dans l’école où j’enseigne et aider mes élèves à réfléchir à la vie des autres peuples du monde ».
*Les noms ont été changés pour des raisons d’anonymat.