Contrairement à la croyance populaire, la violence ne se limite pas aux blessures physiques et aux agressions. Les violences sexistes comprennent bien les viols, les agressions sexuelles et les agressions physiques, mais elle concerne également les mariages précoces et forcés, les abus émotionnels et psychologiques et les refus d’apporter certaines ressources ou services. Cela signifie qu’il existe six catégories d’exploitation auxquelles toute personne, mais particulièrement les femmes vulnérables, peut être exposée.
Les cas réels de violence sexiste au Liban sont difficiles à quantifier car les données ne sont pas facilement disponibles et/ou pertinentes pour indiquer l’ampleur du problème. Le peu d’informations dont nous disposons ne nous permet pas non plus de prendre en compte des cas de violences sexistes non signalés ou des cas où la victime et sa famille n’assimilent pas cette notion de violence sexiste.
Une étude (en anglais) réalisée en 2016 en partenariat avec l’ONU a révélé que les personnes vivant au Liban connaissaient en moyenne 1,7 cas de violence familiale, dans la plupart des cas avec des femmes et des enfants comme victime. Cela signifie que 44% de la population libanaise connaît près de deux personnes qui ont été victimes de violence familiale. Ce nombre atteint un sommet dans la vallée de la Beqaa et dans les régions les plus au nord du pays.
Néanmoins, les médias et les contenus largement présents sur internet ont fait leurs preuves en matière de sensibilisation à la violence familiale, car 97% des Libanais ont été exposés à ces enjeux par le biais de la télévision et des réseaux sociaux principalement. Les soirées cinéma d’Amel au Sud-Liban et dans la vallée de la Beqaa (rendues possibles grâce l’Unité Éducative Mobile) contribuent à augmenter ces chiffres.
Les campagnes de sensibilisation d’Amel sur les violences sexistes sont particulièrement importantes pour les femmes et les jeunes filles vivant dans ces deux régions du pays. Une étude récente (en anglais) a montré que les femmes et les jeunes filles du sud-Liban estimaient que la pauvreté, l’incapacité à se conformer aux rôles de chaque sexe et l’augmentation du coût de la vie étaient des facteurs contribuant directement aux violences sexistes. Les réfugiées syriennes sont particulièrement vulnérables en raison de leur statut de personne déplacée et de l’absence de réseaux familiaux solides offrant généralement une protection. Cela les rend encore plus susceptibles d’être victimes de violences sexuelles et physiques.
En outre, les réfugiés au Liban, et en particulier ceux qui vivent dans les campements informels, font face à d’autres séries de risques, notamment des expulsions forcées, des raids potentiels et des arrestations à cause de leurs résidences (souvent illégales). Les réfugiés sont également confrontés à un manque d’assistance de la part de l’État et font l’objet de discriminations sur leurs lieux de travail. Parmi les autres vulnérabilités, il y a le fait de ne pas bien connaître les services et les organisations susceptibles de les aider, ainsi que les difficultés associées à l’adaptation à un nouveau pays. Tous ces facteurs contribuent aux risques de violences sexistes.
En outre, les hommes, qui sont traditionnellement les chefs du foyer, ont dans ces circonstances difficiles l’incapacité de fournir la protection et la sécurité généralement attribuées aux rôles masculins, et peuvent souvent devenir violents envers leurs familles, et en particulier leurs épouses. Les femmes jouent également un rôle de plus en plus essentiel dans la survie de leur famille et sont souvent obligées d’assumer de nouvelles responsabilités professionnelles qui peuvent entraîner de l’exploitation, du harcèlement ou d’autres formes de violence.
En 2016, une étude avait indiqué que 49% de la population libanaise estimait qu’une victime de violence sexiste devrait porter plainte (mais pas nécessairement au tribunal), tandis que 36% encourageraient une femme à demander de l’aide à sa famille. Environ 25% des personnes interrogées dans le cadre de cette étude ont indiqué qu’une victime devrait se tourner vers la charia ou vers un tribunal ecclésiastique et travailler avec une organisation compétente pour résoudre le problème. 13% des personnes interrogées pensent qu’une femme victime de violence devrait rester silencieuse et patiente, au risque de détériorer une situation de vie et de famille déjà précaire. Seulement 5% des répondants encourageraient une femme à divorcer.
Le projet d’Amel de sensibilisation à la violence sexiste, intitulé « S’autonomiser et se protéger soi-même », a débuté en mars 2018 et est appliqué depuis dans les écoles de Tyre, Bazouriyeh (Beyrouth) et Khiam. Le programme a divers objectifs en fonction de l’âge ciblé. Par exemple, les enfants âgés de 12 à 18 ans participent à des activités de soutien psychosocial tout en développant des compétences de base qui encouragent le respect envers les femmes, les jeunes filles et leurs droits. Le projet travaille également avec les parents pour sensibiliser le public aux risques associés à la violence sexiste.
Enfin, les campagnes de sensibilisation d’Amel incitent les filles et les garçons à réfléchir ensemble à ce qui conduit à la violence sexiste. Lors d’un récent événement éducatif organisé dans une école d’Al Abassiyeh, à côté de Tyr, douze filles garçons ont constaté que les principales raisons amenant à la violence sexiste étaient la pauvreté et l’accès limité à l’éducation. Lorsque les enseignants leurs ont demandé s’il était normal qu’une fille se marie à l’âge de 12 ans, ils ont répondu par l’affirmative.
En effet, le mariage des enfants est un problème croissant au Liban, résultant des barrières économiques et culturelles des familles pauvres et démunies dont le seul choix est d’obliger leurs enfants à travailler ou à se marier jeunes. Le mariage avant 18 ans présente une série de risques, notamment une grossesse précoce et une hausse des risques de mortalité, pour la mère et l’enfant. Cela bloque également l’avenir des jeunes filles en négligeant leurs droit à une éducation adéquate et à un accès à un travail décent. Bien entendu, cela augmente également les risques de violence sexiste.
En parallèle, Amel organise des manifestations théâtrales pour aborder les problèmes liés à la violence à l’égard des femmes, où les participantes peuvent rejouer des actes de violence sexiste. Cela leur donne une voix et leur permet de se sentir habilité à raconter leurs histoires et à contribuer au changement au sein de leurs communautés.